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Comprendre la conservation intégrée

L’ancienne Banque de Montréal à Hamilton a été transformée pour abriter le cabinet d’avocats Gowlings

Les bâtiments et l'architecture, Réutilisation adaptative

Date de publication : sept. 11, 2008

Photo : L’ancienne Banque de Montréal à Hamilton a été transformée pour abriter le cabinet d’avocats Gowlings

Dans le cadre des efforts de conservation des biens patrimoniaux, la recherche d’un nouvel usage peut représenter à la fois le plus grand défi et la meilleure occasion. Un bâtiment patrimonial non utilisé, laissé à l’abandon, est un bien en péril. Seule une intervention physique ayant pour objet la préservation ou la réanimation par le biais d’une réutilisation est susceptible d’assurer la pleine conservation d’un bien du patrimoine vacant. Toutefois, tous les usages ne sont pas forcément adéquats pour un immeuble donné, et l’étape consistant à trouver l’association parfaite est capitale.

La conservation intégrée est un moyen logique, évident et pragmatique de conserver ces biens. Mais qu’entend-on exactement par conservation intégrée? Quels principes observer, quels critères établir et quelles questions se poser lors de l’examen d’une proposition de conservation intégrée?

La conservation intégrée est neutre en termes de conservation. Dans certains cas, une approche préconisant la réhabilitation est favorisée, c’est-à-dire une approche sensible à la valeur patrimoniale du bien et fondée sur des principes solides en matière de conservation. D’autres projets de conservation intégrée sont plus destructeurs, et ne font montre que de bien peu de considération à l’égard de la valeur patrimoniale d’un édifice ou d’un bien. Des attributs qui pourraient être conservés et réemployés sont bien souvent éliminés, remplacés, voire tout simplement détruits. La rénovation (p. ex., quand l’ancien est remplacé par du neuf), la conservation partielle (p. ex., lorsque seule une portion d’un bien patrimonial, telle qu’une façade, est conservée) et la reconstruction, qui se solde par un degré important de démolition et une perte inutile de patrimoine, sont quelques exemples parmi d’autres de types de projets inappropriés. En fin de compte, le succès d’un projet de conservation intégrée en termes de conservation peut être apprécié en considérant la mesure dans laquelle les attributs patrimoniaux sont préservés.

L’adaptation architecturale consiste à apporter des modifications à un bâtiment en vue de faciliter un usage n’ayant jamais été prévu ou envisagé lors de la conception originelle. Généralement, on part du principe que l’option de réutilisation potentielle la plus simple est celle qui a été initialement prévue pour l’édifice. Mais est-ce vraiment le cas?

Le Bathurst Street Theatre de Toronto, qui était à l’origine l’église méthodiste wesleyenne de la rue Bathurst (puis l’église unie de la rue Bathurst), a été construit en 1888. En 1985, la congrégation a cessé d’utiliser les locaux et les a loués à la troupe de théâtre. Le Bathurst Street Theatre a racheté l’édifice en 2002.

Considérons l’adaptation d’une banque du début du 20e siècle aux besoins modernes. Les opérations bancaires contemporaines sont bien différentes de ce qu’elles étaient à l’époque. Le processus d’adaptation d’une vieille banque peut donc nécessiter d’importants changements, notamment des modifications du plan de circulation; le renouvellement du mobilier; des travaux de canalisation pour satisfaire aux besoins en matière de technologies de l’information et de climatisation; des locaux supplémentaires pour l’équipement informatique et les systèmes de sécurité; une plus grande superficie pour les guichets bancaires automatiques; et moins de guichets traditionnels. Plus important encore, l’imposant et somptueux bureau du directeur de banque et la traditionnelle salle des coffres en acier que l’on trouve au sous-sol, éléments qui participent de l’essence d’une banque historique, ne seraient pas évidents à adapter à un usage moderne. L’adaptation d’une vieille banque aux pratiques bancaires contemporaines pourrait donc s’avérer bien plus difficile que la simple conversion en bijouterie ou en galerie d’art. Par exemple, l’ancien établissement de la Banque de Montréal à Hamilton (construit en 1928) a été transformé avec succès, pour devenir l’antenne régionale du cabinet d’avocats Gowlings, et ce, de manière probablement bien plus appropriée que si une banque moderne avait tenté de réutiliser les locaux.

À strictement parler, le réemploi consiste à recycler un bâtiment préexistant en lui attribuant un nouvel usage, comme par exemple la transformation d’une ancienne église en salle de théâtre contemporaine. Des modifications ou adaptations peuvent également s’avérer nécessaires, qu’il s’agisse d’agrandissements ou de suppressions, pour rendre un bâtiment utilisable, viable et sûr en tant que théâtre. Dans le cas du Bathurst Street Theatre de Toronto, qui abrite désormais la Randolph Academy for the Performing Arts, l’ancienne église méthodiste (construite en 1888) accueille des représentations artistiques depuis 1985. Les angles de vision, l’acoustique et la capacité d’accueil de l’édifice ont fait de la transformation en théâtre un prolongement logique, n’ayant nécessité que des modifications minimes, tout en préservant la plupart des attributs patrimoniaux, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment.

Les principes fondateurs de la conservation intégrée de biens patrimoniaux sont identiques à ceux qui s’appliquent en matière de conservation (voir les Normes et lignes directrices pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada de Parcs Canada, les Huit directives en matière de conservation des biens du patrimoine bâti du ministère de la Culture de l’Ontario, etc.). Il existe cependant un certain nombre de facteurs propres aux projets de conservation intégrée qui sont sensibles au patrimoine, notamment :

  • Des études, une planification et une conception approfondies
  • La préservation, l’utilisation et la mise en valeur des attributs patrimoniaux
  • Une superficie suffisante pour s’adapter au nouvel usage
  • Des attentes réalistes en termes de rendement du bâtiment préexistant
  • Des réparations en vue d’une réhabilitation plutôt que d’une nouvelle construction
  • Le regroupement, la limitation et l’extériorisation des services modernes
  • La viabilité économique

La conservation intégrée est une composante clé de l’équation de la conservation, mais il est important de garder en mémoire le fait que tous les usages ne correspondent pas nécessairement à des choix appropriés pour un bâtiment du patrimoine donné. La détermination de l’usage adéquat est probablement le facteur ayant la plus grande incidence sur le succès de l’entreprise de conservation d’un bien patrimonial.