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Éloge des vieilles fenêtres

Fenêtres à battants de la salle du conseil ovale

Les bâtiments et l'architecture

Date de publication : nov. 15, 2007

Photo : Fenêtres à battants de la salle du conseil ovale

Façade : un mot à double sens. En architecture, il s’agit de la façade d’un bâtiment. En littérature, la plupart du temps, il désigne une affirmation trompeuse visant à dissimuler quelque chose de désagréable.

La Fiducie du patrimoine ontarien est en train de restaurer une façade, celle de son siège torontois, le Centre du patrimoine ontarien. Cette façade est de style édouardien contenu, ponctué par des éclats de festons inspirés du style Beaux-Arts, des couronnes et des figurines sculptées. Elle est en pierre artificielle de fabrication industrielle, mais comporte des embellissements en grès sculptés à la main. Certaines parties de la pierre artificielle sont trop endommagées pour être réparées et sont remplacées par de nouveaux matériaux semblables. Le reste est réparé et nettoyé. Mais comment être sûr de ne pas trop nettoyer? Qu’est-ce qui constitue la patine et dans quelle mesure devrait-elle être préservée? Une apparence uniforme de l’ancien et du neuf est-elle souhaitable? La Fiducie fait preuve de prudence afin de préserver en douceur la façade de ce bâtiment. Celui-ci doit pouvoir occuper une place confortable sur la rue Adelaide, comme l’un des rares vieux résidents au sein d’un quartier de plus en plus peuplé de nouveaux venus.

Le Centre du patrimoine ontarien fut conçu par l’architecte George Gouinlock et construit en 1908 pour la Birkbeck Saving and Investments Company. La façade représentait le digne visage du siège d’une société, une façon de se montrer sous son meilleur jour pour un immeuble de bureaux de spéculation de qualité. Cette façade représente avec élégance le bâtiment qui se trouve derrière, mais en dit long également sur la façon dont le bâtiment devait fonctionner.

Couloir intérieur avec des cloisons en verre givré

Les fenêtres illustrent la rencontre du style et de la fonction. La façade comporte une grande variété de fenêtres : des fenêtres circulaires à grandes voûtes avec vitrage subdivisé par des meneaux fins et élégants, des fenêtres coulissantes à guillotine simple et deux fenêtres semi-circulaires géantes au deuxième étage, chacune basculant à partir d’un pivot central. Toutes les fenêtres des autres côtés du bâtiment s’ouvrent également. En observant la façade, puis, à travers ses fenêtres, l’intérieur de l’immeuble, on se rend compte d’une caractéristique intrinsèque : cet immeuble a été conçu pour fonctionner avec la lumière et une ventilation naturelles. Les systèmes mécaniques modernes installés en 1989 devaient seulement compléter les dispositifs de ventilation installés antérieurement.

Les ascenseurs étaient pratique courante en 1908. L’électricité était disponible, mais gérée par une entreprise privée et peu fiable. Les ventilateurs de plafond procuraient une ventilation mécanique limitée. La climatisation ne serait disponible qu’en 1915 et l’appareil capable de refroidir de grandes pièces occupées ne serait pas introduit avant le milieu des années 1920.

Entre environ 1880 et 1915, le fonctionnement d’immeubles commerciaux à plusieurs étages rendu possible par la présence d’ascenseurs dépendait encore principalement de la ventilation et de la lumière naturelles. Les immeubles étaient conçus pour fonctionner avec les éléments plutôt que contre eux – ce qui est un pur bon sens et une approche écologique naturelle du contrôle de l’environnement.

L’édifice Birkbeck comporte des hauteurs sous plafond évolutives. Le premier étage, où les conditions lumineuses sont moins favorables, possède une hauteur sous plafond de 20 pieds, de très grandes fenêtres et une mezzanine pour optimiser l’espace de bureau éclairé par la lumière du jour. Au deuxième étage, la hauteur sous plafond est de 13 pieds, pour accommoder de grandes fenêtres dans les principales zones de circulation. En général les étages supérieurs disposent d’une hauteur sous plafond de 11 pieds, ce qui est suffisant pour éclairer les petits bureaux répétitifs tout en réduisant le nombre de marches d’escalier à grimper.

Panneau d’imposte favorisant la circulation de l’air

Panneau d’imposte favorisant la circulation de l’air

Sur le plan, l’édifice Birkbeck est ouvert sur trois côtés. Les locaux auxiliaires, tels que les escaliers, les toilettes et les locaux techniques, sont relégués dans la partie la plus sombre de la plaque de plancher contre un mur mitoyen aveugle. La profondeur moyenne d’un bureau est d’environ 24 pieds, ce qui correspond à la profondeur à laquelle la lumière du jour pénètre. Il y a un puits de lumière légèrement en retrait orienté à l’ouest pour récupérer la lumière au moment où elle est la plus précieuse et la plus difficile à obtenir, à savoir à la fin de l’après-midi. Les fenêtres à guillotine font entrer la lumière dans les espaces de bureau et dans le bureau général. Ces zones de bureau privées sont séparées du couloir public par des cloisons en bois avec de grands panneaux en verre dépoli qui laissent passer la lumière dans le couloir interne.

Un ensemble similaire de dispositifs passifs régule la ventilation. Le couloir possède des fenêtres mobiles à l’une ou l’autre des extrémités pour fournir une ventilation transversale, créant, en somme, un grand conduit central de refroidissement. Les portes internes comportent une variété de panneaux d’imposte, chacun avec leur propre système de commandes manuelles qui, tels des déflecteurs, peuvent être ajustés de façon à commander et orienter la circulation croisée d’air. Ils existent en différentes tailles et constituent des dispositifs joignant l’utile à l’agréable.

La façade de l’édifice Birkbeck dissimule quelque chose de pratique mais en aucun cas désagréable : un immeuble qui profite pleinement de la lumière et de la ventilation naturelles. À une époque où l’on tente de concevoir des immeubles raisonnables en termes de consommation d’énergie, l’édifice Birkbeck, comme d’autres également, sont des exemples instructifs des méthodes à employer.