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Se relever après une catastrophe naturelle

Rue Charlotte au centre-ville de Peterborough

Photo : Rue Charlotte au centre-ville de Peterborough

Par

Jim Leonard

Les bâtiments et l'architecture

Published Date: janv. 28, 2011

Dans l’après-midi du 14 juillet 2004, les nuages crèvent au-dessus de la ville de Peterborough. Pendant tout le reste de la journée, la soirée et surtout la nuit, la ville est noyée sous un déluge incessant de trombes d’eau. Le système d’écoulement des égouts pluviaux arrive rapidement à saturation.

En 24 heures, près de 240 millimètres de pluie s’abattent sur une ville qui, avant 2002 (année où Peterborough fait face à des inondations bien moins graves), n’avait jamais été inondée de pluies torrentielles – du moins, pas depuis la première année où les météorologues ont commencé à recueillir des statistiques dans la région. En temps normal, seulement 67 millimètres de pluie tombent à Peterborough pour l’ensemble du mois de juillet. Lors des inondations de 2004, un volume de pluie près de quatre fois supérieur à la norme s’abat sur la ville en une seule journée.

L’impact de ce déluge est aussi étendu que dévastateur. Le 15 juillet au matin, de nombreux quartiers sont littéralement méconnaissables. Les rues et les sous-sols sont abondamment inondés par cet orage violent et localisé. Les autorités déclarent l’état d’urgence.

Les dégâts sont particulièrement importants dans le centre-ville de Peterborough : à certains endroits, la profondeur des eaux stagnantes dépasse six pieds et les rues sont impraticables.

La bibliothèque publique de Peterborough, qui se situe en plein cœur du centre-ville, est particulièrement touchée. À l’aube du 15 juillet, alors que les pluies gagnent en intensité, les lourdes vitres des fenêtres du rez-de-chaussée explosent sous le poids des eaux qui cernent désormais l’édifice. Un torrent pollué par les égouts et jonché de débris s’engouffre dans le vaste sous-sol de la bibliothèque, qui disparaît sous 12 pouces d’eau. Les inondations endommagent la collection de livres en réserve, ainsi qu’une pièce maîtresse du patrimoine culturel national, la collection Balsillie de Roy Studio Images, qui venait d’être confiée à la bibliothèque.

La collection Balsillie comprend plus de 300 000 images d’importance historique, dont bon nombre sont conservées sur des négatifs en verre. Elle représente la quasi-intégralité de l’œuvre du Roy Studio de Peterborough, l’un des studios photographiques les plus chevronnés de l’Ontario. Le Roy Studio a exercé ses activités à Peterborough de 1896 à 1992. Pendant un siècle, il a immortalisé chaque aspect de la vie de cette collectivité ontarienne. Au Canada, on compte sur les doigts d’une main les collections de photographies qui peuvent prétendre à une telle richesse et à une telle variété.

Pendant plusieurs décennies, cette impressionnante collection est entreposée ans une salle malpropre, semblable à une cave et située au sous-sol de l’ancien studio photographique, qui se trouve à quelques pâtés de maisons de la bibliothèque. Au printemps 2000, Jim Balsillie, copropriétaire de Research in Motion, acquiert la collection et en fait don à la ville de Peterborough. Le personnel du Musée et archives Centennial de Peterborough entreprend alors de nettoyer les photographies, de les trier et de les transporter – travail laborieux qui représente plus de deux mois d’efforts. La collection est déplacée dans son intégralité et en toute sûreté à la bibliothèque publique de Peterborough, où elle est remisée dans un lieu d’entreposage climatisé de 400 pieds carrés spécialement conçu à cet effet. La bibliothèque lance ensuite un programme complet de conservation, de catalogage et de numérisation de ces archives.

Le lendemain de l’orage, le personnel municipal se fraie un chemin parmi l’eau et les décombres et commence à évaluer les dégâts. On détermine que seulement dix pour cent de la collection du Roy Studio (soit 30 000 négatifs) ont été engloutis.

Afin de récupérer un maximum de photographies et de mettre sur pied un plan d’urgence, la ville fait immédiatement appel à la société montréalaise ROSCO, spécialiste de la restauration de documents après sinistre, et à l’Institut canadien de conservation (ICC). Chacun s’accorde à dire que le temps presse : à chaque minute passée au contact de l’eau, la destruction des négatifs progresse. De plus, les négatifs qui n’ont pas été directement au contact de l’eau sont exposés à la forte augmentation de l’humidité relative, et risquent donc de développer des moisissures.

Les négatifs et éléments humides sont entreposés hors de la bibliothèque dans des camions réfrigérants. Ils sont progressivement amenés à une température de -20 °C afin d’interrompre le développement des moisissures, et sont ensuite transportés à Montréal dans les locaux de la société ROSCO.

L’eau présente dans la bibliothèque est vidangée par pompage, et des ventilateurs sont installés pour prévenir la formation de moisissures. Les cloisons sèches contaminées ainsi que l’équipement et les meubles endommagés sont ôtés du bâtiment.

Pendant plus de deux ans, la société ROSCO s’emploie à stabiliser les négatifs affectés par l’inondation. Seule une infirme partie de la collection est abîmée, mais cela représente néanmoins plusieurs milliers de négatifs. Le volume à restaurer ainsi que la fragilité des éléments à préserver ont imposé le recours à des techniques de conservation innovantes. Les négatifs ont été cryodesséchés, puis nettoyés et placés dans de nouveaux supports. En octobre 2006, ils ont regagné en toute sécurité leur lieu d’entreposage à Peterborough.

À la suite des inondations, le personnel du musée entreprend une évaluation exhaustive des risques du site d’entreposage temporaire de la bibliothèque, et installe une chambre froide dans l’enceinte du Musée et archives Centennial en vue d’y conserver les fragiles plaques photographiques de la collection. Les clichés et les négatifs les plus fragiles et endommagés par les inondations sont numérisés pour que leurs images soient capturées et préservées.

Grâce à la réaction rapide et bien coordonnée des équipes et des partenaires du musée (parmi lesquels le Collège Fleming, l’Institut canadien de conservation – ICC – et la société ROSCO), aucune image ne disparaît lors des inondations de 2004.

En mars 2007, le Musée et archives Centennial de Peterborough reçoit le Prix d’excellence de l’Association des musées canadiens pour cette initiative innovante en matière de récupération et de restauration.

Sous-sol de la bibliothèque publique de Peterborough

Photo: Sous-sol de la bibliothèque publique de Peterborough

Sous-sol de la bibliothèque publique de Peterborough

Photo: Sous-sol de la bibliothèque publique de Peterborough

Nettoyage d’urgence dans la principale salle d’entreposage du sous-sol de la bibliothèque

Photo: Nettoyage d’urgence dans la principale salle d’entreposage du sous-sol de la bibliothèque